mardi 1 septembre 2015

Pour l'apéro, une petite nouvelle hors concours... Renaissance - Auteur Frédéric Lorand, libraire à Rennes

Renaissance
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Aaaah, le foutu patelin plein de ces foutus cons, le seul truc que je leur doive, c’est de m’avoir montré qui j’étais ou plutôt ce que j’étais, et ça a été bien fait pour leur gueule…

Faut dire que l’endroit était déjà pas gâté par la nature. C’était gris, tout : les maisons, la terre, le paysage. Et les gens étaient moches pareil. La mégère qui m’a mis au monde était pourrie de vices, mais ce qui la distinguait surtout c’était sa méchanceté. C’est sûr que j’en ai bavé avec elle, qui me filait des roustes plus souvent qu’à mon tour, pour un oui, pour un non, pour rien. Juste parce que j’étais dans son paysage et qu’elle avait pas envie de voir ma trogne. Jusqu’à seize ans, ma vie c’était d’être une tête à torgnoles. Y’avait pas qu’elle qui me filait des danses. J’en prenais de tous les côtés, à la maison, à l’école, au catéchisme et à l’église. Mais c’était tout de sa faute à ma vioque. Et à mon paternel aussi, faut être juste. Mais lui a été assez malin pour sentir le vent tourner en 44. Et un beau matin, il était plus là.

Mes vieux m’ont eu en 32. Au début, ça allait plutôt bien, j’étais un marmot normal. Pendant la guerre ça allait même mieux que pour les autres, j’ai jamais manqué de rien. En tout cas pas à cette époque-là. Mes parents tenaient un bar, hôtel, restaurant, claque. Pour le claque je savais pas bien sûr, j’étais trop gosse. Mais y’avait souvent bombance chez nous, et les boches, je les trouvais plutôt chouettes. Ils étaient gentils avec moi, et puis j’aimais bien leurs uniformes. Bien sûr, à l’école, j’ai commencé à être regardé de travers. Mais faut pas croire, y’avait pas que des résistants dans les gens du village. Seulement les autres ils faisaient ça en moins voyant. C’est vers 42-43 que j’ai pris mes premières mornifles. C’était dans la cour de récréation qu’on a commencé à me bousculer, à me faire des croches pieds et à me filer des calottes sur l’arrière de la tête, comme ça, au passage. C’était les fils des autres collabos qui y revenaient le plus, normal : eux non plus risquaient pas grand’chose.

Ma mère, elle a vraiment commencé le jour où on l’a tondue. C’était moche comme spectacle. J’étais là, j’avais douze ans et j’ai pas pu dire un mot. Y’avait juste des larmes qui me coulaient le long des joues pendant qu’on lui rasait les tifs sur la grand’place du village. Elle était dure, mais elle aussi chialait, en silence. Quand ça a été fini, qu’on l’avait allégée de sa coiffure en la traitant de tous les noms, des noms pires que tout : chienne, truie, putain, salope, pourriture, charogne et d’autres encore, j’ai voulu aller vers elle mais elle m’a repoussé, c’était terminé. Le soir même, elle s’est mise à me cogner. Du coup j’avais plus nulle part où aller. Je comprenais pas trop pourquoi je ramassais des tartes au début, et puis je savais pas me défendre. C’est plus tard que c’est venu, quand j’ai vraiment été au bout du rouleau. ça a été de pire en pire. C’était devenu normal pour tout le monde de se passer les nerfs sur ma pomme. Tous les jours qu’on me cherchait des noises et j’avais tout le temps tort, même quand on me demandait rien. Alors j’ai pris l’habitude d’être tout seul dans mon coin. Bien forcé d’ailleurs, plus personne voulait me parler. Et puis j’ai aussi pris l’habitude de courir, mais ça servait à rien parce que quand j’arrivais chez moi, j’avais droit à une danse, par principe. Alors, j’avais beau m’enfuir, cavaler par monts et par vaux, j’y coupais jamais, y’avait toujours une peignée qui m’attendait quelque part. Je courais vite, mais ça changeait pas, où que j’aille, les marrons finissaient toujours par me pleuvoir sur la gueule. Et les fois où je fuguais, ça me rapportait des nouveaux bleus et bosses au retour. Ça a duré longtemps comme ça, jusqu’à mes seize ans.

Y’avait bien quelque chose qui commençait à monter en moi. Je savais pas encore bien quoi, mais je sentais. C’était chaud et dur. Encore plus qu’une pine de légionnaire. Je le sentais monter en moi et à chaque dérouillée, je serrais un peu plus les poings. C’est pas encore le moment, que je me disais. Et je prenais sans broncher parce que j’avais l’habitude d’encaisser. En plus, je travaillais à l’auberge de ma mère. Je faisais presque tout sous les coups et les insultes. On n’avait pas beaucoup de clients, rapport au passé proche. Mais de temps en temps, il fallait quand même que j’aille faire des commissions à Lille. J’y allais en vélo et c’est en revenant de là-bas que je me suis réveillé que je suis passé à l’action. C’était un jour plus pourri que les autres, il pleuvait comme vache qui pisse et j’étais trempé jusqu’aux os. Sur le chemin du village, c’était boueux, j’étais fatigué de pédaler, mais je me pressais pas pour rentrer. Tout le trajet j’avais cogité, ruminé, ressassé. Tout du long, j’avais senti la colère me choper par les épaules comme ça, par à-coups, alors je serrais les mains sur les poignées de mon vélo jusqu’à ce que les jointures soient blanches. Je serrais les dents à m’en faire péter l’émail, de la lave me coulait dans les veines à la place du jus de chaussette que j’avais toujours eu. Le jour était en train de tomber et à l’approche village je les ai vus. Les deux frères VandenMeulen.

Ils remontaient du café vers chez eux, un peu saouls. Je me suis arrêté, je savais ce qui m’attendait, mais j’étais plus disposé à prendre. Eux le savaient pas bien sûr, et moi non plus la seconde d’avant. Il fallait que ça change. Je savais que je ne pourrais plus supporter ce que j’avais déjà enduré, j’en aurais crevé. Et au moment où je les ai vus, le déclic que je guettais s’est produit. Ils étaient à cent mètres de moi et avançaient en rigolant déjà. En pensant à ce qu’ils pourraient raconter au père en arrivant chez eux : « On a croisé le Marais et on lui a mis une rouste avant de le balancer dans le fossé plein de boue avec son vélo qu’on y a crevé les deux pneus ». Non les gars, c’est fini tout ça. Je me rendais pas compte de ce qui m’arrivait, mais ce qui est sûr c’est que j’étais ailleurs. J’ai laissé tomber mon vélo. ça les a un peu surpris, mais pas découragé. Au contraire je crois que l’idée d’un peu de résistance les a excités. Je les ai laissés s’approcher au lieu de m’enfuir et quand ils ont plus été qu’à quelques pas de moi, je me suis baissé pour ramasser de la boue à pleines pognes. Ils m’ont vu faire et l’un d’eux, le grand, m’a lancé : « Attends, mon con, on va t’en filer de la boue. » A cinq mètres je leur ai balancé en pleine poire, ça a fait « zwouf ! » et puis ça a claqué sur leurs sales gueules « clac ! ». Ils sont restés bêtes deux secondes.

Pas moi. ça faisait cinq ans que je l’étais et ça venait de finir. Ils essayaient de comprendre, s’enlevant la boue du visage en jurant. J’étais sur eux. Mais je les voyais pas vraiment, j’avais un voile rouge devant les yeux. Pan ! Un coup de pied dans les couilles au Jacquot ! Et ping ! Un coup de poing plein pif au René ! Et ça s’est mis à pisser rouge direct. Je me sentais plus, j’en voulais encore. J’avais la rage maintenant. Je voulais absolument en découdre, bave au lèvres. J’avais jamais levé la main sur quoi que ce soit, mais le moment du dépucelage était venu et je voulais en profiter. Le Jacquot était par terre en train de gémir en se massant les balloches. Le René se tenait le pif et me regardait en louchant. « Qu’est-ce que tu r’gardes ? » j’y ai dit presque en gueulant. Et pan ! Un autre coup de poing dans la gueule. Il a été valser dans le décor en faisant un tour sur lui même avant de tomber à plat ventre dans la boue. L’autre était à genoux. Il chialait de douleur et avant qu’il se relève, zag ! Un gros coup de croquenot en plein blaire à lui aussi. Il s’est retrouvé sur le dos, nez cassé et raisinant. Je le voyais du dessus pour la première fois et j’ai fait la danse de Saint-Guy autour de lui, refilant tout ce que j’avais dans les jambes. J’ai senti des côtes casser sous mes coups. ça m’excitait encore plus et je tapais de plus en plus fort. Et puis j’ai arrêté quand j’ai vu qu’il réagissait plus. Le René se réveillait et il m’a vu sans pouvoir me fixer. ça m’a fait plaisir parce qu’en plus j’me rendais compte qu’il avait peur. C’est son regard à lui que j’ai jamais pu oublier. Tout connard d’incompréhension, tout chiasseux de peur, ça m’a donné envie de lui faire encore plus mal. Il était à quatre pattes en essayant de se relever, et paf ! Un coup dans les côtes pour l’envoyer bouler. Il était à plat ventre, je me suis mis un genou sur son dos et l’autre sur le bras droit que j’ai agrippé par le poignet et CLAC ! J’ai fait pareil avec l’autre. Il a commencé à me supplier. Je l’ai retourné et j’ai commencé à faire les marionnettes avec ses bras en rigolant, complètement fou. Lui se tordait de douleur et osait même plus regarder mes yeux. J’ai laissé retomber ses bras, je l’ai chopé par les cheveux des tempes et j’ai commencé à lui cogner la tête sur le sol mouillé. Chloc ! Chloc ! Chloc ! De plus en plus fort. « Arrête, pitié, arrête ! » qu’il gueulait en s ‘étouffant à moitié. Je l’ai lâché, il a voulu parler et je lui ai craché dans la bouche tellement il me dégoûtait à pigner comme ça. Moi j’avais pas demandé pitié à personne. Jamais. Parce que je savais qu’on me la donnerait pas. Et alors je lui ai foutu des grosses poignées de boue dans la gueule en rigolant. Il essayait bien de cracher, mais il s’étouffait. Et il est calanché comme ça sous mes yeux alors que je lui remplissais son sale claque-merde de boue. Putain, j’avais l’impression de renaître, comme ça d’un coup. J’étais bien content et je bandais comme un taureau. Mais je pouvais pas les laisser là. Je les ai traînés l’un après l’autre jusqu’à la grange du maire pas loin, juste après la sortie du village. J’étais peinard, avec le temps qu’il faisait y’avait personne dehors. Une fois dans la grange où y' avait toujours de la paille de fourrage, j’ai voulu y foutre le feu. Mais j’avais rien sur moi, je leur ai fait les fouilles. Eux ils avaient des briquets américains. Ils avaient dû les avoir au marché noir. J’en ai utilisé un pour allumer le feu et j’ai gardé l’autre. Je l’ai toujours et il m’a souvent servi depuis. J’ai réussi à lancer un feu dans la paille, et puis bien vite ça a pris. Je suis sorti, j’ai récupéré ma bicyclette et je suis rentré chez moi.

Y’avait personne à l’hôtel, comme souvent. Ma mère était seule en train de manger dans la cuisine quand je suis arrivé après avoir enlevé ma veste. En me voyant tout couvert de boue, elle a pas cherché à comprendre, sa méchante trogne voulait bien dire : « Tu vas en ramasser une bonne mon salaud ! » Elle était costaude ma vieille, sans compter que sa haine lui donnait plus de force encore. Mais ça servait plus à rien. Et comme c’était quand même ma mère, elle a bien vu dès que j’avais franchi la porte que j’étais plus pareil. Et elle me l’a dit : « Où qu’tu t’crois saligaud ? Rentrer à une heure pareille et dans quel état, encore ! T’es allé aux filles, hein ? ». Elle savait bien que c’était pas vrai. Elle aimait bien avoir une sorte d’excuse pour me filer une trempe. Seulement, là, elle approchait un peu de biais, elle voyait bien que ça serait plus aussi facile. Elle devait bien savoir que je me rebellerai un jour, mais une bonne branlée aurait pu tout faire rentrer dans l’ordre. J’aurais pu rester le bon garçon à sa manman. Plus maintenant, plus après ce que je venais de découvrir sur moi-même. Je me suis pas posé de question parce que je savais déjà ce que j’allais faire. Je suis allé vers elle. Elle a essayé de m’en mettre une. J’ai attrapé son bras, lui ai retourné dans le dos et je l’ai poussée. Elle est tombée en avant sur le carrelage. Elle s’est retournée en gueulant comme une furie : « Tu frappes ta mère ! Tu frappes ta pauvre mère petite charogne ! Ah nom de Dieu, tu vas voir ! »

Moi je ricanais. Elle était là, par terre à hurler, les yeux écarquillés, rouge de rage. Mais elle avait le génie du vice et quand elle s’est relevée, elle avait un tisonnier à la main. On rigolait plus, c’était plus au martinet que ça allait se régler. C’était sérieux. J’ai mis la table entre elle et moi en me reculant. Elle a essayé de m’atteindre en balançant des coups au jugé et en jurant, pendant que moi je l’agaçais en disant : « Trop court vieille vache ! », « Raté ! », « C’est moins facile quand je me laisse pas faire, hein ?! ». Et puis elle a essayé, encore une fois et je lui ai attrapé le poignet. J’ai serré et je lui ai fait frapper un coup sur le rebord de la table. Elle a lâché le tisonnier, qu’est tombé dans un bruit métallique, à mes pieds. Elle roulait des yeux de bête sauvage prisonnière et m’insultait en projetant des postillons épais : « Sale cochon ! T’es allé aux filles, hein ?! Et tu vas cogner ta vieille mère maintenant ! Elles t’ont mis la pourriture, hein salopiot ?! Vas- tu me lâcher foutu corniaud ?! » Elle braillait de plus en plus fort et ça m’a énervé. Je la tenais toujours et elle a fait le tour de la table pour s’approcher de moi et paf ! Une belle claque bien sonore en pleine poire qu’elle m’a fichue. Je l’ai lâchée et je lui en ai retourné une qui l’a envoyée valdinguer sur le carrelage encore une fois. Mais quand elle m’a regardé, elle a vu que je rigolais plus. J’étais enragé encore et je voulais qu’elle sente passer la tempête que j’avais dans la tête. Qu’elle sache que j’allais me venger de tout. Je me suis approché sans vraiment la voir, je me suis baissé un peu et pan ! Une grosse châtaigne en plein sur le nez. Je l’ai prise par le col et je l’ai relevée, et bing ! Une autre calotte. J’ai recommencé encore, et encore, serrant les poings de plus en plus fort. Elle gueulait au début et puis après elle pouvait plus. Elle saignait du nez, ses lèvres étaient rouges, gonflées, et pissaient par endroits, ses deux yeux étaient presque complètement fermés. Elle s’était ouvert une arcade en tombant contre le chambranle de la cheminée. Elle avait bien essayé de prendre la petite pelle à ce moment-là, mais à peine elle l’avait soulevée, qu’un grand coup de pied dans la main lui avait fait lâcher en lui cassant un ou deux doigts. Ses cheveux ressemblaient plus à rien à force de l’avoir saisie par la tignasse pour lui mandaler la tronche. Je lui avais cassé quelques dents qu’elle avait crachées dans du sang. Elle en avait plein son gilet marron dégueulasse. Et maintenant elle gisait, affalée contre la porte.

À ce moment-là, j’ai fait gaffe au bruit qu’il y avait dehors. Tout le village s’agitait pour aller éteindre le feu. Mais on ne viendrait pas nous chercher. On nous évitait. Et puis les voisins avaient bien dû entendre le boxon qu’on foutait. Ils étaient habitués à entendre des bruits de roustes chez nous et ils se déplaçaient pas pour ça. Et puis de toute façon les volets étaient fermés. Leur justice à eux c’était de tondre la tête des femmes après la bataille. Je me suis dit ça et ça m’a donné une idée. J’ai laissé ma vieille par terre, assommée et je suis allé chercher ma tondeuse, celle avec laquelle elle prenait un malin plaisir à me faire la boule à zéro. Quand je suis redescendu, elle rampait à travers la réception vers la porte d’entrée. Je l’ai chopée par les jambes en y disant : « Pas si vite ma petite dame, vous n’allez pas sortir peignée comme ça ! » Et je l’ai ramenée dans la cuisine où le sol était couvert de boue et de sang mélangés. Elle marmonnait une plainte incompréhensible qui y faisait cracher du sang et des morceaux de dents. Enfin, je suis pas sûr qu’elle se plaignait. C’était pas son genre, elle devait plutôt m’insulter. Je l’ai assise sur une chaise et j’ai commencé à lui raser la tête à sec. Elle se débattait plus, elle essayait de dire quelque chose. Des grosses larmes lui coulaient sur les joues. Mais je m’en foutais bien, moi, de ses larmes. La vieille peau m’avait jamais laissé de répit et, de temps en temps, entre deux coups de tondeuse, je lui remettais une torgnole. De toute façon y’aurait jamais le compte. Je l’ai tondue par grosses touffes, en lui arrachant presque les cheveux par poignées. Y’avaient comme des morceaux de viande parfois. C’était du sang qui se trouvait collé dans les cheveux ou des petits bouts de peau qui venaient avec la tondeuse. Quand j’ai eu fini, je l’ai regardée une dernière fois en y disant : « Te voilà belle maintenant avec ta gueule ravagée de collabo libérée. » Elle me faisait quand même un peu pitié comme ça, mais ça changerait rien. Je me suis mis à repenser à toutes les torgnoles, les coups de pied au derche, les pincements de joues, les tirages d’oreilles, les insultes et les humiliations et je lui ai dit : « Je vais te crever vieille vache, parce que t’es une mauvaise mère et que tu mérites pas de vivre. »

Elle a ouvert la bouche, des filets de sang à moitié coagulé entre les lèvres, mais c’était trop fatigant pour elle. Sa bouche s’est refermée dans un petit clappement et elle a pris le tisonnier en plein sur le sommet du crâne. J’ai frappé tellement fort qu’il est resté fiché dans sa tête. Et elle est tombée de sa chaise. Ça y était, j’étais libre pour la première fois de ma vie. Je me suis assis à table et je me suis mis à chialer de joie. Dehors ça commençait à se tasser. Je suis monté dans une des chambres à l’étage pour voir discrètement où ça en était. Tout avait cramé. La paille à l’intérieure était sèche et ça avait fait une bonne flambée. Et c’était pas encore fini, ça fumait encore. Mais tout le monde se rentrait maintenant. Je suis redescendu. J’ai traîné ce qui restait de ma daronne dans l’arrière-cuisine, une belle trace de boue et de sang derrière elle. Et après je me suis assis pour réfléchir. En mangeant. Ben, j’avais quand même pas fait tout ça pour me laisser crever de faim. Et puis j’avais jamais eu la dalle comme ça. Je me suis aussi dit que j’avais pas intérêt à rester dans les parages et que le mieux était qu’on me croit mort. Alors, j’ai mangé, rempli ma musette de victuailles, je me suis débarbouillé et changé. J’ai pris tout l’argent que ma vieille planquait sous son matelas, pas énorme, mais plus que ce que j’avais jamais eu. J’ai siphonné la cuve à fioul qu’était dans l’appentis, un bidon entier. J’en ai versé sur le cadavre de ma vioque. Une fois que j’y aurais foutu le feu à celle-là, j’étais tranquille, sûr de pas la revoir. J’ai pris ma musette, j’ai allumé un brandon avec le briquet des frères VandenMeulen et j’y ai mis le feu. Je m’attendais presque à la voir se relever pour me choper et me faire cramer avec elle. Mais elle s’est mise à brûler tout bêtement et je suis parti en courant, à travers champs. Au bout d’un moment, j’ai entendu une gigantesque explosion : je venais de mourir pour la première fois et j’étais enfin vraiment complètement libre.


1 commentaire:

merci némascope a dit…

Wow ! Ex-ce-llent ! Heureusement qu'elle est hors concours parce qu'il aurait fallut aller la chercher, celle-là.
Qui l'a écrite ? Maniok ou le libraire ?
En tous cas, chapeau, c'est une histoire de la violence (celle qui explique la rage) absolument dantesque aussi bien sur le fond que sur la forme.