mercredi 9 mars 2016

Interview d'une auteure : Sophie Loubière

LES QUESTIONS DU BOSS...
1. Es-tu écrivain, romancier, auteur ? Vois-tu une nuance entre ces termes ?
Je suis selon le moment, écrivain, romancière ou auteur: écrivain lorsque je rencontre des lecteurs qui me questionnent sur mon métier et ma méthodologie, romancière lorsque je suis en pleine écriture d'un roman et moi-même imprégnée du climat et de l'émotion du livre (donc, en pleine "romance" au sens littéral du terme) et auteur lorsque j'écris un scénario, un projet de série TV.
Qu'est-ce que ces mots représentent, pour toi ?
Mon job.

2. Ecrivain/Carrière. Ces deux mots sont-ils compatibles ?
On peut être écrivain sans faire carrière, mais ça rapporte moins.
Y penses-tu ?
J'ai été journaliste et productrice radio pendant 20 ans, ma carrière a commencé depuis longtemps par un autre biais que l'écriture. Si on ne construit pas une "carrière" dans les médias, on ne progresse jamais professionnellement.
Anticipes-tu cet éventuel avenir?
J'ai déjà une carrière d'auteur derrière avec une dizaine d'ouvrages publiés depuis 1999, et, je l'espère, encore une longue carrière devant moi... Je défends chaque jour les auteurs à la SACD en tant qu'administratrice déléguée à la radio et je les encourage à multiplier les voies d'écriture: je dois avouer qu'un auteur qui n'a pas la chance d'avoir une "carrière" que ce soit à la radio, au cinéma, à la TV ou dans la publication, et donc, un revenu conséquent termine sa vie dans la misère car les retraites d'auteurs sont catastrophiques en terme de montant. A moins d'avoir un conjoint friqué, de faire un héritage ou de bosser à côté, un romancier a besoin d'un lectorat minimum pour vendre un minimum.

3. Combien de temps, de tentatives, de refus, avant de décrocher un contrat à compte d'éditeur ?
Mes deux premiers manuscrits écrits lorsque j'avais une vingtaine d'années ont été refusés. L'un des deux a cependant retenu l'intérêt de Grasset ce qui m'a encouragé à poursuivre l'écriture avec un autre roman JE NE SUIS PAS RAISONNABLE, un roman de littérature générale publié chez Balland en 2000. Mais mon premier roman publié est un Poulpe, en 1999. En dehors de mes deux premiers manuscrits, un seul a été refusé et n'est pas publié à ce jour. Mais je l'ai relu et franchement, c'est mieux qu'il reste dans un tiroir.

4. Pourquoi as-tu commencé à écrire ?
Parce que j'avais envie de me lancer ce défi de ouf. J'ai écrit ma première nouvelle en anglais à 13 ans car j'étais meilleure en anglais qu'en Français (j'ai souffert de dyslexie dans mon enfance et mon adolescence). Mais je ne pensais pas un jour que l'écriture serait mon métier. C'était inimaginable. Je me destinais plutôt au métier d'actrice.
Pourquoi continues-tu ?
Aujourd'hui, écrire est une discipline dont j'ai besoin pour m'équilibrer nerveusement et psychologiquement. Je ne fume pas, ne me drogue pas, et je dois faire gaffe à ce que je bois à cause de problèmes allergiques très emmerdants qui se sont révélés récemment. Et il y a ces livres, ces films qui s'écrivent déjà dans ma tête alors que des autres sont en préparation. Cet imaginaire très fort qui s'exprimait déjà dans l'enfance dans mes jeux et mes prestations de comédienne ou d'imitatrice (!) , dans mes compositions au piano, mes improvisations de danse moderne, mes dessins et peinture, l'écriture le galvanise. Et un ordi, ça prend moins de place qu'un piano, une salle de danse et un atelier de peinture, surtout quand on part en vacances.

5. Que penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de l'édition ?
L'auteur est le dindon de sa propre farce: celle dont se régalent ceux qui lui abandonnent un petit reste de son succès, et ceux qui s'abreuvent à sa prose comme à la source claire d'une rivière.

6. Comment serait l'éditeur de tes rêves ?
Un éditeur qui tiendrait ses promesses, qui s'en ficherait bien que je lui cède mes droits audiovisuels, un éditeur avec lequel je serrais dans une relation de confiance absolue et donc qui accepterait une remise en question de ses services et de leur fonctionnement sans penser qu'il s'agit de ma part d'une tentative de dénigrement.
Quelles qualités essentielles devrait-il posséder ?
Je viens de te les donner.

7. Que penses-tu du Trophée Anonym'us ?
J'apprécie toujours les concours où rien n'est révélé au lecteur, ou rien n'influence son choix.

LES QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE...
1. Ton dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ? Des personnages croqués avec gourmandise ? Une alchimie de saveurs ?
Rien de tout cela, miss! A LA MESURE DE NOS SILENCES est un roman singulier faisant référence à un fait historique dramatique et traité comme dérisoire par l'Histoire, et dont la lecture ébranle les coeurs sur plusieurs générations.

2. Tu nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville surpeuplée ?
N'importe où du moment que le lecteur y trouve son compte.

3. Ce livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner d'angoisse ? Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?
C'est un témoignage qui donne des frissons et qui invite le lecteur à la réflexion tout en le divertissant.

4. Ton écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et refait chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un premier jet juste retouché pour enlever quelques aspérités ?
Je suis définitivement, une Pénélope.

4. Ton roman, comme un voyage, est-il : Un chemin au hasard qui t'emporte et t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le parsèment ? Un périple longuement planifié, aux escales anticipées ? Un voyage « théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule jamais comme prévu ?
J'aime bien ta première définition, cependant A LA MESURE DE NOS SILENCES est un véritable road-trip de Paris à l'Aveyron, et franchement, c'est de l'autoroute presque tout le temps! émoticône wink
Mon précédent roman BLACK COFFEE, lui, se déroule sur la route 66, une route que j'ai faite en 2011 pour la préparation du roman, durant six semaines. Elle est un chemin fait de hasards, de dead end, de rencontres improbables (avec des flics) et de souvenirs troublants dont on ne se remet jamais vraiment.

5. Si celui-ci était une boisson, ce serait ?
A l'image du personnage principal de A LA MESURE DE NOS SILENCES, François Valent, 82 ans, je dirais une verveine faite avec des feuilles de la verveine que mon père faisait pousser dans son jardin. Je n'en bois plus depuis qu'il est parti faire une route dont on ne revient pas, hélas. Mais j'ai toujours le souvenir de cette tisane qui enflammait le palais de saveurs citronnées. Et je suis certaine que mon François en fait pousser dans son jardin...

(doit pas y en avoir beaucoup des auteurs de polar qui réponde "verveine" à cette question, hum?)

Aucun commentaire: