vendredi 30 septembre 2016

Nouvelle anonyme N°4 - La Mérule

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Punaisée au mur, au-dessus de mon lit, une carte postale.
Une vue panoramique de Laguna Beach au coucher du soleil. Elle est pas signée, mais je sais bien qui me l’a envoyée. Une sacrée salope.
Il y a juste mon nom et ma nouvelle adresse pour dix piges. Sébastien Ramilet Prison Bonne-Nouvelle 169, boulevard de l’Europe 76000 Rouen.
Je voudrais bien savoir quel est l’enfoiré qu’a eu l’idée d’appeler cette taule « Bonne Nouvelle »…
Y’a tellement de cinglés ici que je sais pas si je sortirai vivant un jour, mais si j’y arrive, sûr que je partirai au soleil, loin de la Normandie et que jamais j’y refoutrai les pieds. J’y suis né et faut croire que je fais pas partie de ces ruraux accrochés à leur terroir comme des clébards à leur maître.

Je vous donnerai pas le nom du village, ça vous dirait rien. Un lieu-dit perdu entre rien et rien. Si des gens s’y arrêtent, c’est soit qu’ils tombent en panne, soit qu’ils sont perdus, voyez ?
Des fois, j’essaye de savoir quand tout a commencé à merder pour David et moi, l’instant exact où c’est parti en couille, et pis j’en arrive à la conclusion que dès le départ, c’était foutu.
Certains fils de putes naissent en Amérique avec une cuillère en argent dans la bouche et ben, David et moi, on était nés en Normandie avec l’ennui comme cadeau de baptême…
« Le bocage normand » que certains appellent ça romantiquement. Mon cul, ouais ! Le seul coin de France où de l’instant où t’apprends à marcher jusqu’à ce que tu crèves, ça se passe dans la gadoue.
Quand j’entends ces cons de Stone et Charden vanter les mérites de la région, j’ai envie de leur exploser la tronche. Le bocage, faut savoir la réalité ; il y pleut autant qu’un million de vaches qui pissent. À te changer le sang en eau.

La première fois qu’on avait essayé d’en partir avec David, on avait cinq ans. Un soir, après l’école, je lui avais dit, viens, je sais comment on va en Amérique ! J’avais tout prévu, pris des provisions dans mon cartable, des allumettes et une lampe torche. Pour une fois, il faisait beau. Il a pas hésité longtemps et on est partis à l’aventure au bout de la rue.
Les gendarmes nous ont retrouvés le lendemain à trois kilomètres du bled, couchés dans l’ancienne cidrerie. On croyait être presque arrivés pourtant…
Les gendarmes, ça les avait fait marrer notre histoire, mais nos parents, moins.
Les vraies tartes normandes, faut les avoir goûtées pour les apprécier. Elles te laissent des bleus et t’apprennent qu’il faut pas trop t’éloigner du droit chemin.
Après cette évasion ratée, on a appris la patience, car cette putain d’envie d’Amérique, ça nous a jamais lâchés.
À la maison, c’était pas trop l’éclate. Ça rancoeurait pas mal, ça commérait beaucoup. Fallait bien que nos vieux passent le temps entre deux averses.
Nos familles, elles étaient tellement ancrées dans le bocage depuis des lustres que c’était de la boue qui coulait dans leurs veines.
Ils étaient au courant de toutes les vieilles haines, des cocufiages et des fortunes pas très claires amassées par certains pendant la guerre. Nous, évidemment, on avait les oreilles qui traînaient avec David, on comprenait pas tout, juste que nos aïeux s’étaient mal démerdés et que c’était plus facile pour la famille de transformer un ratage en fierté. Quand la gnôle tombait dru dans les verres, ça ressassait, ça dégoisait, ça vomissait sa bile.
En attendant, David et moi, on était habillés comme des clodos à l’école et en plus, fallait s’estimer heureux. J’ai jamais pu leur pardonner ça à mes vieux et quand j’y repense, ça me fout vraiment la haine.
Notre univers, avant qu’on puisse s’arracher, c’était l’école, la pluie et la téloche.
Quand y’avait une éclaircie et qu’on pouvait crapahuter dehors, c’était pas pour faire des herbiers, mais des conneries comme attaquer les vaches au lance-pierres, ces réservoirs à merde stupides.
On attaquait toujours celles de mon voisin, Germain Langlois. On avait un contentieux avec lui, depuis longtemps. Il nous avait foutu dans la merde en allant fayoter à nos parents les conneries qu’on faisait. Il était pourri jusqu’à l’os, une véritable ordure que tout le monde craignait. Il avait entourloupé tout le monde au bled, mais y’avait omerta.
Le pire qu’il ait fait dans le genre escroquerie, c’est dans la vente immobilière. On avait dans les quatorze ans quand c’est arrivé. Il avait vendu une longère à un Parisien qui voulait se retirer tranquille au village pour passer une retraite peinarde.
Tout le monde savait que la baraque valait pas un clou, rongée par la mérule, ce champignon qui te gangrène une maison patiemment, silencieusement, mais personne a rien dit, même pas l’agent immobilier.
On n’aimait pas les étrangers par ici, surtout s’ils étaient Parisiens et qu’ils roulaient en Jaguar.
Le Germain avait embauché des cousins pour faire une belle remise en état à grands coups d’enduit et de rafistolages pour dissimuler l’état de la maison.
L’expert, le notaire, tout le monde était dans le coup pour entuber l’étranger.
On l’aimait bien nous le Parisien. Monsieur Tellier qu’il s’appelait. Il nous avait vu zoner et nous avait proposé de tondre sa pelouse, faire ses courses, de petites corvées qu’il nous payait bien. Parfois, il nous invitait à l’apéro et il nous racontait ses voyages en Amérique. Un chouette bonhomme, vraiment.
L’été d’après, il était mort enseveli sous la baraque.
Tout le monde a ricané. L’affaire a été classée et le Germain a racheté son terrain pour que dalle.
Ça avait occupé les conversations des habitants pendant des mois et ça suffisait à la vie culturelle locale.
Nous, on s’est mis à tous les détester au village, mais notre haine s’est cristallisée sur le Germain qu’on a rebaptisé La Mérule.
Il était pourri de l’intérieur, dans tous les sens du terme. Une ordure.
Il vivait comme un clodo dans son bouge même si une rumeur persistante disait qu’il était riche comme Crésus.

On a continué de pousser entre l’ennui et la pluie et on a commencé à toucher à l’alcool et à la fumette pour s’évader.
Je suis rentré en apprentissage chez Renart et Fils, le garage du village. Mon père a dit au vieux de m’en faire chier et l’autre a été trop content d’obéir impunément.
Toutes les pires merdes à faire, c’était pour moi et l’atelier était pas chauffé. Heureusement, dans ma tête, j’étais loin parfois, au chaud sur la plage de Venice. J’essayais de mettre des thunes de côté, mais le peu que je gagnais partait dans la défonce. David s’est fait virer du lycée agricole et son père l’a obligé à bosser à la ferme.
À dix-huit ans, on n’avait toujours pas quitté notre province, faute de moyens.
Notre échappatoire, c’était d’aller fumer et boire dans l’ancienne cidrerie.
Cette ruine, c’était notre royaume. On faisait des barbecues dans les gravats, on taguait les bouts de mur encore debout. Personne venait nous faire chier à part les gendarmes une fois de temps en temps. Ça leur durait une semaine ou deux et puis, ils nous lâchaient.
En attendant, on allait se garer sous le pont de la nationale et à part déglinguer des packs de bières, on s’occupait intelligemment.
On mettait le chauffage à fond et on apprenait des passages entiers du Guide du Routard Californie. On répétait aussi des leçons d’anglais enregistrées, mais on n’était pas trop au point, d’autant que depuis peu, on avait trouvé un nouveau hobby : Marie, la petite nièce de La Mérule.
On la calculait plus depuis un bail, elle était vraiment trop louche, mais un jour qu’elle nous avait vus passer en caisse, elle nous avait fait de grands signes pour qu’on s’arrête.
– Vous faites quoi ? qu’elle avait demandé.
– On fait un tour, c’est tout, avait dit David.
Elle était montée et David m’avait fait un clin d’œil. Il avait une idée derrière la tête.
Arrivés sous le pont et on avait roulé un joint, bien chargé. On se doutait qu’elle avait jamais fumé alors on lui a proposé de tirer quelques lattes et de boire un peu de whisky. Ça l’a un peu détraquée et nous on commençait à être bien chauds. David est passé sur le siège arrière. Elle était un peu à la masse, mais elle avait l’air d’être consentante. Je me suis replongé dans le Guide du Routard. Hollywood. Mulholand Drive. Malibu. J’avais du mal à me concentrer avec les bruits de succion à l’arrière. À un moment, David a dit :
– Je veux bien te baiser si Seb peut aussi…
Elle a un peu râlé, mais après quelques gorgées de whisky, elle a plus rien dit, juste écarté les cuisses. David a rigolé et m’a tapé sur l’épaule en baissant son froc. Je savais qu’il était plus puceau, pas comme moi. Le temps qu’il conclue, je cherchai une excuse pour me tirer, mais je voulais pas passer pour un con. Quand il a eu fini, il s’est refroqué, m’a donné une capote et est repassé à l’avant.
J’ai jeté un œil à Marie. Le spectacle était pas très bandant, mais j’ai pris sur moi et je l’ai baisée.
David a roulé un autre pétard pour fêter ça, mais moi, je me sentais un peu mal quand même pour Marie. Elle avait pas inventé le fil à couper le beurre et je me demandais si elle se rendait bien compte de ce qu’elle avait fait avec nous.
On l’a laissé dormir et on a parlé de l’avenir. À un moment, elle s’est réveillée. Elle était verdâtre et a juste eu le temps de sortir en slibard sous la pluie pour gerber. Elle est remontée et on est partis.
– Je pourrais revenir la semaine prochaine ? qu’elle a demandé. Je me suis senti moins coupable du coup.
Elle est revenue avec nous tous les samedis. À force, elle maitrisait un peu mieux ses haut-le-cœur, pis elle s’endormait plus quand on la baisait. Elle participait, c’était quand même mieux.
Elle commençait à faire partie du décor, comme la pluie ou les pommiers. Nous on était toujours avec nos histoires de Californie, on s’était même fait faire des passeports. Un soir, Marie nous a dit qu’elle voulait partir avec nous. David a pas aimé.
– Pas question qu’on emmène une greluche en Amérique, qu’il a dit méchamment. 
Elle faisait partie du paysage ici et le paysage, on pouvait plus le voir en peinture. L’Amérique, ce serait que nous deux, point barre…
Elle nous a traités de connards et est partie en claquant la porte.
On était explosés de rire à la regarder glisser dans la gadoue avec ses talons de douze…
– Pour les meufs, on verra sur place, c’est pas ça qui doit manquer, a conclu David.
L’hiver est arrivé et je me tapais toujours des vidanges toute la journée. David nettoyait la merde des vaches chez ses vieux. On s’occupait du mieux qu’on pouvait le week-end, mais depuis que Marie nous faisait la gueule, ça nous titillait quand même un peu dans le calebut. On avait pris goût à la baise facile.
Elle a pas tenu longtemps sans venir nous voir parce qu’elle se faisait trop chier chez elle le week-end. On a recommencé à picoler et à baiser, comme avant.
Des fois, elle piquait une bouteille de gnôle dans la cave paternelle. Un truc à vous arracher la tête, production maison.
Un soir, elle nous a même fait un cadeau, preuve qu’elle était pas rancunière : Un flingue avec une boîte de munitions.
– Où t’as dégoté ça ? a demandé David
– Mon père en a trouvé une caisse dans un de ces souterrains que les Boschs avaient creusés pendant la guerre. C’était un Luger, hyper bien conservé.
– Mais, on n’est pas censés les rapporter à la gendarmerie ? que j’ai fait à Marie.
– Si, il l’a fait, mais j’en avais piqué un avant. J’ai pensé que ça vous ferait plaisir…


Avec notre nouveau jouet, on s’est exercés à tirer un peu sur tout, des cibles, des canettes et des rats. Ça nous changeait un peu de la fumette et de la picole. Marie nous regardait, mais voulait pas essayer, jamais.
– C’est laid une femme avec une arme dans les mains, qu’elle disait.
Avec ou sans arme, elle est moche de toute façon, ricanait David dans son dos…

Les semaines passaient et on tirait des plans sur la comète, on délirait de plus en plus sur l’Amérique.
On avait jugé un peu trop vite que Marie avait lâché l’affaire avec son idée de partir avec nous.
Elle a recommencé à s’incruster dans la conversation.
– Je ferai une formation d’esthéticienne, on prendra un appartement ou une maison et on partagera le loyer. À trois, on s’en sortira.
On a fini par lui dire oui pour pas qu’elle fasse la gueule, mais dès qu’elle avait le dos tourné, on ricanait.
– Mais qu’est-ce qu’elle croit ? disait David.
La thune rentrait pas vite, on arrivait pas à être sérieux, mais vu ce qu’on touchait, ça paraissait difficile d’épargner.
Le seul truc concret qu’on avait fait, c’était les passeports. Ils attendaient juste un coup de tampon et nos culs, de se poser dans un avion. Il fallait que quelque chose arrive, vite, et c’est ce qui s’est passé.

Un soir, Marie est arrivée avec un énorme coquard à l’œil gauche. David lui a demandé comment c’était arrivé.
– Le Germain est venu voir mon père. Il lui a dit qu’il nous voyait ensemble tous les week-ends à la cidrerie. Mon vieux a pas apprécié. Il m’a traitée de pute, de salope, pis il m’a cognée.
Nous on s’est regardés, genre : ça pue les emmerdes ! À force de renifler le fumier, on avait l’odorat surdéveloppé. Il commençait vraiment à nous faire chier ce vieux con, mais c’était pas nos oignons après tout. Des gnons, on en avait eu plus qu’à notre tour par nos darons respectifs. On savait juste que ça craignait de continuer à traîner avec elle. Allez savoir ce qui pouvait se passer dans la tête du père de Marie quand il était bourré ? Il avait bien flingué le chien du voisin un jour parce qu’il aboyait. Y’avait un silence de plomb dans la voiture si on excepte le bruit de la pluie sur le pare-brise. C’est là que Marie a lâché une bombe.
– Le Germain, il est jaloux de vous, c’est tout. Il me viole depuis que j’ai onze ans. Il croit que je lui appartiens.
On s’est regardés avec David. Qu’est-ce qu’on pouvait répondre à ça franchement ?
Il s’est tourné vers elle et pour une fois, lui a parlé gentiment.
– Il est tard, on va te ramener.
Elle a pas réagi, mais dès qu’il a commencé à rouler, elle a lâché un deuxième scud.
– Je sais où il planque ses lingots.
Elle essayait de se rendre intéressante, évidemment. Comme David levait les yeux au ciel, j’ai quand même voulu en savoir plus.
– Je croyais que c’était des conneries, des rumeurs…
– Des tas. Il en a des tas, parole, a dit Marie.
Un ange, ou le diable est passé dans l’habitacle.
On a plus dit un mot jusqu’à ce qu’on la dépose, mais y’avait comme une quatrième personne dans la voiture. Une idée si puissante que ça semblait prendre vie et respirer. Ça gambergeait dur dans la caboche de David. Je pouvais voir la plage de Laguna en technicolor dans ses yeux…
Le temps passant, j’essayais de ne plus penser à cette histoire de lingots, mais des semaines à me les geler dans l’atelier, ça faisait remonter l’idée à la surface comme un cadavre mal lesté.
Combien de temps encore je tiendrais avant de leur foutre un coup de démonte-pneu en pleine gueule aux Renart père et fils ?
David, c’était pas mieux de son côté. Son père lui faisait faire les pires trucs dégueulasses, juste pour montrer aux autres ouvriers qu’il y avait pas de favoritisme.
Je savais qu’il travaillait de la caboche à cause de l’histoire des lingots. Il devait peser le pour et le contre, échafauder des plans. Il avait toujours été plus réfléchi que moi. Et plus intelligent aussi.
Le samedi soir, on est passés chercher Marie. David a roulé plus longtemps, histoire de trouver un coin vraiment peinard pour causer tranquille.
Marie a parlé la première.
– Le vieux est invité chez mes parents mardi soir. Une fois qu’il est parti à picoler avec mon père, y’en a pour jusqu’au petit matin…
David s’est raclé la gorge.
– Tu seras là pour nous montrer ?
– Je resterai juste à l’apéro avec eux et je vous rejoindrai à pied, c’est pas loin. Y’a plus de risques, son clebs est mort. Elle parlait comme d’habitude, de cette voix calme et basse, comme si elle récitait l’annuaire. C’est son attitude sereine qui nous a décidés, je crois.
Ce soir-là, on l’a pas baisée. On était trop occupés à réfléchir.
Le lundi matin, David est passé me chercher à l’aube. Je l’attendais, planqué dans la grange. Avant de me déposer au taf, on a été cacher nos valises et nos passeports dans le puisard de la cidrerie. David y a mis le flingue et les munitions aussi.
Pendant deux jours, j’ai eu l’estomac en vrac. Je dois avouer que j’avais les foies. On en avait fait des conneries, mais piquer des lingots, c’était autrement plus grave… Y’aurait pas de retour possible en France.
Tout ça formait un magma ultra brûlant dans ma tête, mais y’avait la Californie qui se profilait aussi et ça, c’était plus possible d’y renoncer. On en avait marre d’en rêver, on voulait une autre vie, au soleil.

Le mardi vers 17 h, il m’attendait devant le garage. Le vieux m’avait fait chier toute la journée, mais j’avais supporté sans broncher. Bidonné que j’étais à l’intérieur. Vieux con, va ! Crève ! Bouffe-la, ton huile de vidange ! Pour moi, c’est fini la vie dans le bocage !
David était soucieux lui aussi. Il savait qu’on allait franchir un point de non-retour. Et si elle avait raconté des conneries, qu’est-ce qu’on risquait ? Se faire prendre pour un cambriolage ?
On est retournés chacun chez nous pour manger et pas éveiller les soupçons. J’ai observé mes vieux pendant le repas en me demandant s’ils me manqueraient quand je serais en Californie. Ma mère, à la rigueur, et encore.
Après le café, j’ai enfilé mon blouson. Mon père était vautré dans le canapé à mater je ne sais quelle merde. Il m’a regardé.
– Où tu vas traîner encore ? Tu travailles demain, tu te rappelles ?
– Je vais faire un tour, que je lui ai répondu et j’ai claqué la porte.
Voilà, les adieux, c’était fait. Simple et concis.


Il a fallu qu’on se gare assez loin de chez la Mérule, pour pas s’embourber. Fallait voir l’état des chemins qui menaient à son bouge.
On s’est approchés en faisant gaffe. Il faisait nuit noire et il flottait dense. Pas de lumière, pas de mouvement. Marie avait dit vrai. Le vieux était pas là. Son clébard était crevé le mois d’avant, un molosse qui terrorisait les environs. Ça aussi ça tombait bien. On s’est détendus et même qu’on a rigolé quand il s’est vautré dans la boue.


On a pas eu de mal à ouvrir la porte d’entrée au pied de biche tellement le bois était pourri. Quand on est rentrés, une odeur de rance et de pourriture nous a sauté au visage. Avec nos torches, on a éclairé et ce qu’on a vu, c’était un paysage de désolation, putain !
Fallait voir le bordel là-dedans ! Un repaire de clodos ! On se les gelait, le vieux chauffait pas. La buée nous sortait par tous les trous. Y’avait pas cinq minutes qu’on était entrés qu’on a entendu un bruit. On a éteint nos lampes et plus moufté.
– C’est moi, a chuchoté Marie.
David l’a éclairé avec sa torche.
– Putain, tu nous as foutu une sacrée trouille ! Alors, il les planque où ses lingots ?
Je sentais la peur dans sa voix, c’est contagieux ces trucs-là et j’ai eu envie de me pisser dessus.
– C’est par là, dans la dépendance. Et elle nous a emboîté le pas. Fallait faire gaffe ou on marchait, y’en avait partout. On l’a suivie tant bien que mal dans ce dépotoir jusqu’à arriver dans une sorte de remise accolée à la maison. Elle a déblayé quelques cagettes et vieux pots jusqu’à dégager un pan de mur.
Elle a braqué le faisceau de la torche sur un vieux four à pain.
– C’est là, sous la plaque de fonte.
On lui a demandé de nous éclairer et on a commencé à essayer de soulever la plaque. C’était lourd comme un âne mort cette merde !
Quand on a enfin réussi à la faire pivoter et que Marie a éclairé la planque, c’est comme si y’avait eu un soleil au milieu de la nuit qui nous aveuglait. On aurait même dit que ça dégageait de la chaleur.
On est restés un petit moment fascinés jusqu’à ce que Marie nous ramène à la réalité et nous tende un sac de toile.
– Faut se grouiller maintenant…
On a commencé à remplir le sac en tremblant. On se rendait bien compte que c’était grave ce qu’on était en train de faire.
On avait presque fini quand on a entendu comme une sorte de grattement. On a vite éteint nos lampes.
– Qu’est-ce que c’est ? a chuchoté David
– Ça doit être un rat, a dit Marie. Y’en a partout dans la baraque.
Comme elle connaissait bien la maison, elle est partie voir ce que c’était.
On est restés David et moi dans le noir et le silence, tétanisés, en attendant qu’elle revienne. Ça a pas duré bien longtemps, le calme.
Tout à coup, la pièce s’est illuminée. La Mérule était devant nous, sa pétoire à la main !
– Bande de petits enculés ! qu’il a dit en nous braquant avec son fusil.


– On se calme, a juste eu le temps de dire David qu’était devant moi.
J’ai pas reconnu sa voix putain, et ça m’a foutu encore plus les foies… J’avais jamais senti la peur chez David…
Sûr qu’on allait finir en taule, et pour longtemps ! Le vieux nous regardait. Je pouvais sentir son haleine chargée de gnôle à au moins trois mètres.
Et pis comme ça, sans sommation, il a tiré.
Je me suis jeté derrière une armoire déglinguée, paniqué.
J’attendais, les yeux fermés comme si ça pouvait me sauver ! David pleurait. J’ai jeté un œil par un interstice. La Mérule avançait.
– Tu vas sortir connard ! qu’il gueulait.
Tout à coup, j’ai aperçu Marie qu’arrivait derrière lui sans faire de bruit. Elle a sorti le Luger de sa poche, j’en revenais pas !
Le vieux était plus qu’à un mètre de moi quand le coup de feu est parti. Il a pris un pruneau en pleine tête et s’est effondré. Marie a jeté son arme par terre et s’est barrée. Je comprenais plus rien, j’étais terrorisé, mais David m’a appelé. Je pouvais pas l’abandonner alors j’ai respiré un grand coup et rampé vers lui tout en gardant un œil sur la Mérule.
J’étais complètement flippé, mais j’ai trouvé la force de prendre David dans mes bras.
Il pleurait et se cramponnait à moi. Je l’avais jamais vu chialer et ça m’a crevé le cœur…
Là, j’ai oublié les lingots, les problèmes, la Mérule, les flics. C’était mon meilleur pote qui se vidait de son sang. Je suis resté comme ça longtemps, sans savoir quoi faire pis d’un coup, j’i gueulé du plus fort que je pouvais.
– Marie ! Marie ! T’es où bordel ? Marie ! Faut appeler les pompiers !
Je sentais David partir.
– Me laisse pas David, me laisse pas… Ses yeux lagon prenaient la couleur d’un marécage. Je me suis mis à pleurer aussi.
Je suis resté comme ça jusqu’à ce que David perde connaissance. Putain, je l’ai pas quitté des yeux. Je sais pas combien de temps ça a duré. Il a essayé de me dire quelque chose, mais il a eu un hoquet dégueulasse et j’ai compris qu’il était en train de mourir. Il est mort peu avant l’aube.

C’est les gendarmes qui nous ont séparés David et moi. Je voulais pas le lâcher, je voulais pas qu’ils me le prennent. J’étais couvert de son sang, putain. Je pouvais pas croire que jamais je le reverrais…
L’enquête a été vite bouclée. Un cambriolage qui a mal tourné. Les gendarmes dans le bocage, c’est pas vraiment les experts Miami… Ils ont retrouvé le Luger dans la pièce avec nos empreintes dessus. Ils n’ont jamais vraiment cru ce que j’avais raconté sur Marie. Selon eux, je ne voulais pas être tout seul à payer et puis, les parents de Marie avaient déclaré qu’elle n’avait pas bougé de la soirée. Peut-être qu’ils étaient dans le coup aussi, va savoir…
Marie elle nous l’avait jouée à l’envers. Elle avait récupéré le Luger et fait d’une pierre deux coups en se vengeant du vieux et en partant avec les lingots.
Faut croire qu’elle était pas si con finalement, la Marie…

mardi 27 septembre 2016

Marie Van Moere sous le feu des questions


LES QUESTIONS DU BOSS.

1. N'y a-t-il que du plaisir, dans l'écriture, ou t'est-il déjà arrivé de ressentir une certaine forme de douleur, de souffrance, dans cet exercice ?
  •  Quand tu commences à avoir mal quelque part, quand tu sens que le cerveau n’a plus d’oxygène, il faut se lever et sortir, ou dormir. Tout dépend du rythme de travail et c’est donc propre à chacun, mais après deux heures d’écriture en mode concentration, il faut se délier
2. Qu'est-ce qui te pousse à écrire, finalement ?
  • Je ne sais pas, c’est comme ça et ça a toujours été. Je me rappelle avec précision des premiers romans lus (Alice Détective et Fantômette), dans mon lit, à Saint-Laurent du Maroni. À chaque fin, je me demandais si je pourrais l’écrire. Je n’ai jamais arrêté de me poser cette question jusqu’à ce que je commence moi-même sérieusement l’écriture d’un roman.
3. Comme on le constate aujourd'hui, tout le monde écrit ou veut s'y mettre. Sportifs, stars du show biz, présentateurs télé, journalistes, politiques, l'épicier, ta voisine... de plus, des sites proposant des services d'auto-édition pullulent sur le net. Ça t'inspire quoi ?
  • Je te dirais de ne pas oublier les écrivains de l’ombre qui sont les véritables auteurs des livres de ces gens. Bien sûr, je ne parle pas ici de mon épicier ou de ma voisine. Qu’est-ce que ça m’inspire ? Il y a de la place pour tout le monde. Ça pose la question du verbal et de l’écrit, écrire ce qu’on a à dire serait comme mettre un point final à son message. La question est plus vaste si on évoque le travail de fiction.
4. Le numérique, le support d'internet, les liseuses, les ebook, les réseaux sociaux, sont une révolution pour les auteurs et bousculent également le monde de l'édition. Que penses-tu de ce changement ?
  • Sincèrement, je n’en sais rien. Je crois que c’est une évolution inéluctable, l’humanité 2.0, celle que je ne vivrai pas. Je vois souvent des gens lire sur liseuse, je les entends me dire comme c’est pratique. J’ai publié une nouvelle en numérique (BUCKAROO chez E-Fractions), PETITE LOUVE n’est pas accessible au format numérique. Bref. Je ne suis pas encore assez calée pour te répondre. J’aime les bibliothèques, j’aime les livres. Pour les réseaux sociaux, c’est une autre question (voir infra).
5. Il semble que de plus en plus, les auteurs prennent en charge leur communication, font leur publicité, créent leurs propres réseaux, prolongeant ainsi le travail de l'éditeur de façon significative. Te sers tu toi aussi de ce moyen pour communiquer sur ton travail, annoncer ton actualité, discuter avec tes lecteurs ou d'autres auteurs et ainsi, faire vivre tes livres plus longtemps ?
  • Oui, je m’en sers. J’ai un blog (L’œil et le Gun), un compte Twitter, un compte Instagram. Tout cela sert à communiquer, donner des infos, partager son univers littéraire et artistique également, assumer les multiples personnalités qui luttent en nous ou soutiennent l’écrivain qui les fait vivre sur le papier.
6. On dit qu'en 25 ans, le nombre de livres publiés a été multiplié par deux, leur tirage ayant baissé de moitié pendant cette même période. Comment sortir le bout de sa plume de cette masse de publications ? Être visible ? N'est-ce pas décourageant pour les jeunes auteurs ? Que leur dirais-tu ?
  • Il faut savoir ce que l’on veut et avoir beaucoup de courage. Si le nombre de livres publiés a été multiplié par deux c’est que le rêve de publication est accessible, non ? Pour le reste, je suis un mauvais exemple. Je me sers des réseaux sociaux parce qu’il faut vivre avec son temps mais tout évolue, même en soi. Je ne veux pas être plus visible qu’il ne le faut pour mon premier roman (PETITE LOUVE) pour lequel je me bats depuis que j’en ai débuté l’écriture. Ce que je veux dire c’est que je veux que LUI soit visible, pas moi. Je n’écris pas pour ma gloire. Même chose pour le deuxième roman en cours, à paraître à la Série Noire. Je pourrais aller plus vite, sacrifier au temps des réseaux et au temps des médias. Mais c’est dans la lenteur que les personnages se construisent jusqu’aux fondations. Alors, lentamente. Comme la baleine. Cela dit, je serai moins sereine sans la confiance de mon éditeur.
7. Les relations entre un éditeur, ou un directeur de collection, et un auteur, pourraient faire l'objet d'une psychanalyse, me disait un écrivain, récemment. Qu'en penses-tu ? Comment analyserais-tu cette relation que tu entretiens avec eux.
  • Je ne sais pas. Il y a rencontre ou non. Confiance ou non. Satisfaction ou non. En tant qu’auteur, je voudrais le meilleur pour mon livre. Aucune raison de changer si je l’ai. Cette histoire de psychanalyse, c’est des conneries. Comme de dire que la relation auteur/éditeur c’est comme une histoire de couple. C’est détourner le propos du contrat qui nous lie. Quand je signe un contrat, je le respecte. C’est le jeu. Mais un jeu dangereux qui implique la cession d’une œuvre. D’où les frustrations, les paranoïas des deux côtés quand ça coince. Rappelons que les auteurs sont les parents pauvres de la chaîne du livre. Ce sont les galériens qui pédalent au sous-sol pour qu’il y ait de la lumière dans les étages. Tout est dans le contrat alors il faut savoir ce qu’on signe. J’engage les auteurs à se renseigner auprès de la SGDL, qui peut les aider à retrouver leurs petits dans tout ce fouillis sans perdre de temps ou s’énerver. Le temps mal perdu ne se rattrape jamais et que voulons-nous au fond ? Perdre notre temps à écrire et faire la fête quand c’est possible. Quand ça se passe bien, c’est merveilleux et se scelle une alliance de longue haleine.
8. J'ai pensé longtemps, et ma bibliothèque s'en ressentait, que le noir, le polar, était une affaire de mecs. Les coups durs, la débine et la débauche, les gangsters, la baston, les armes, les crimes et la violence en général… une histoire de bonshommes. Aujourd'hui, les femmes sont de plus en plus présentes dans l'univers du polar. Grâce au Trophée, j'ai pu me rendre compte qu'il y avait de nombreux auteurs femmes dans ce genre. Ce n'était pas le cas il y a quelques décennies.
Quelles réflexions cela t'inspire-t-il ? À quoi cela est il dû, selon toi ? En lis-tu et, si oui, Lesquelles ?

  • Je lis de tout et je crois que les femmes ont toujours écrit du « costaud ». Rappelons que Frankenstein a été écrit par Mary Shelley. Peut-être sont-elles plus médiatisées, mieux acceptées dans le quartier hardboiled, ces temps-ci ? DIRTY WEEKEND d’Helen Zahavi m’a profondément impressionnée. C’est Caroline des Fondus au noir qui me l’avait offert après avoir lu PETITE LOUVE. J’ai écrit un article à propos de ce livre pour L’Indic. J’ai beaucoup aimé CANNIBAL TOUR d’Anouk Langaney et un peu plus récemment, les romans de Sandrine Colette et d’Elsa Marpeau.

9. Pourquoi as-tu accepté de participer à ce Trophée ?

  • Mais pour perdre mon temps à écrire et faire la fête avec les autres aux Pontons, pardi ! Et si je ne suis pas une grande fan du tirage de bourre, l’anonymat est un challenge intéressant à relever.

LES QUESTIONS DE MME LOULOUTE.

1. Vie professionnelle, vie de famille, salons et dédicaces, à l'écriture reste-t-il une place ?
  • Il faut absolument trier. Absolument. Cela se fait automatiquement de toute façon, alors mieux vaut garder le contrôle sur le tri. Les écrivains sont des gens qui n’acceptent de s’enchaîner qu’à ce qui compte pour eux. Là est la variable.
2. A-t-on encore les idées claires, quand tous nos héros broient du noir ?
  • Si mes héros broient grave du noir, c’est pour me permettre d’avoir les idées claires.
3. La rentrée littéraire approche. Un livre, ça va, 560, où est-ce qu'on va ?
  • Comme je le disais plus haut, il y a de la place pour tout le monde. Les lecteurs choisissent. Sûr qu’un super libraire et/ou un bon papier peuvent aider, mais ça, c’est tellement aléatoire…
4. Le dicton du jour : À la saint Grégoire, sort un livre de ton placard. Je t'écoute.
  • UN DON, de Toni Morrison. J’ai adoré cette histoire d’une jeune enfant noire abandonnée par sa mère à un maître blanc parce qu’elle avait l’âge de s’en sortir alors que le petit frère serait mort. C’était bouleversant et merveilleusement écrit. Toni Morrison est immense.

  • Plus proche de nous ici, NOIR OCÉAN de Stefan Mani, huis clos noir et fantastique dans un cargo islandais au départ de Reykjavik.
5. Boire ou écrire, faut-il choisir ?
  • Tout dépend si tu veux écrire longtemps…
6. La littérature est le sel de la vie. Passe-moi le poivre.
  • Je préfère le piment. Frais, égrainé, coupé fin dans la salade libanaise. Cuit entier dans un bon chili maison. J’aime cuisiner pour mes amis, encore plus quand j’ai bien écrit avant.
7. Lire aide à vivre. Et écrire ?
  • Je saurai (peut-être) quand je serai vieille et chenue.
8. Une anecdote à nous narrer, sur un salon, lors d'une dédicace, d'une table ronde, un événement touchant, drôle, étrange… ?
  • Ah oui, tiens ! Je me rappelle de ce gros festival où l’un des libraires s’est planté sans rire devant moi et m’a dit d’un air paternaliste : « Bon, j’achète ton livre mais c’est pour ma femme. » Le déterminisme du genre existe partout, beaucoup chez nous. Il ne faut rien lâcher mais sans perdre de temps et continuer à travailler sans se préoccuper des condescendant(e)s.

  • Une anecdote positive. Dernièrement, j’ai rencontré Gilles Del Pappas au 13 ème prix marseillais du polar et j’ai adoré cet homme. D’abord, très important, j’ai aimé son polar LE BAISER DU CONGRE, ensuite lui est entier et généreux, merveilleux cuisinier et grand convive, voyageur, amoureux de la vie. Je vous souhaite de le rencontrer, un jour.
          Amen.

Nous te remercions d'avoir répondu à nos questions et d'être présent(e) avec nous, pour cette troisième édition du Trophée Anonym'us.

vendredi 23 septembre 2016

Nouvelle anonyme N°3 - Comme un lapin



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Flashé ! En pleine gueule. Ignacio est vexé. Se faire flasher à soixante kilomètres/heure sur une route déserte limitée à cinquante. Et à vingt-trois heures passées en plus. C’est vexant, injuste et mesquin. Ignacio ralentit. Fait encore deux-cents mètres. Coupe ses phares. Se gare sur le bas-côté, limite du fossé. Farfouille dans son coffre. Pas facile, il fait nuit. Mais il trouve des trucs. Ça l’fera bien. Même la bouteille d’acide chlorhydrique qu’il y a planquée pour pas que ses gosses jouent avec. On a toujours des chiottes à détartrer. Il va pouvoir lui causer au keuf sournois qui vient de le piéger. Ignacio est invisible. L’autre, au volant de son Opel banalisée, est juste éclairé par l’écran de sa machine à con.

Trois heures du mat. Ça grouille sur la départementale. Appel de détresse du gars qui gère le radar mobile, puis plus rien. Le commissaire, réveillé dans son premier sommeil, vient juste d’arriver. Pas commode, le commissaire Saint Antoine. Surtout à cette heure. Surtout à cet endroit. La rase-campagne. Il se demande quelle idée on a eu de coller, ici, un radar, en pleine nuit. C’est sûr que c’est du 100 % de réussite. Rouler à cinquante sur cette ligne droite, faut maîtriser ou conduire en tongs. La scientifique est passée et repartie. Elle a fait son taf et il reste un bout de nuit à profiter. Il aura le rapport demain, mais à priori y’aura pas grand-chose. Pas d’empreintes, pas d’ADN, que dalle. Il ne pleut pas et on voit les étoiles. Une nuit ensoleillée en quelque sorte. C’est déjà ça. Mais le bucolique s’arrête là. Le flic, pourtant aguerri, n’en croit pas ses yeux. Une scène de crime, puisque le suicide a été écarté d’emblée, pas ordinaire s’offre à ses yeux blasés : l’agent est pendu par un pied à une branche de platane. Première résolution : ne plus installer de radar mobile sous un arbre. Il a été préalablement assommé avec un marteau ou une clé à molette de gros calibre d’après le lieutenant qui est venu le rejoindre et lui faire la causette. Pendu par un pied avec une cordelette d’un modèle diffusé dans tous les magasins de bricolage du canton.
– Mais c’est pas ça qui l’a tué ? On n’a jamais tué personne en l’assommant et en le pendant par un pied. Tout au plus on lui luxe la hanche.
– Non patron ! Approchez-vous et regardez mieux.
Faut se pencher. L’herbe est glissante au bord du fossé au-dessus duquel la victime est accrochée. Malgré les étoiles on n’y voit rien. Le lieutenant éclaire le pendu.
– Regardez... Là…
Il éclaire le visage qui ne dit rien au commissaire, mais il ne s’occupe pas de la sécurité routière et il ne peut pas connaître tout le monde. Salement amoché. Le nez en sang, l’œil…
– Putain, son œil ! lance le flic en reculant brutalement. Ses deux pieds glissent dans le fossé sur le bord duquel il se retrouve assis.
– Vous salopez la scène de crime, patron. Ben justement, c’est ça ! On lui a retiré un œil et il s’est vidé de son sang. Dans le fossé où vous pataugez.

Double salto arrière et Saint Antoine se retrouve en position verticale sur le bord de la route.
– Comme un lapin, articule-t-il.
– Je ne vois pas…
– C’est ainsi que, quand j’étais môme - ça remonte -, ma grand-mère tuait les lapins à la ferme. Je m’en souviens, ça m’a traumatisé à vie. Pendu par les pattes arrière, un coup de masse derrière les oreilles et, hop, l’œil arraché au canif. Et le sang qui coule dans une casserole. Le lapin tressaille et il est difficile de comprendre à quel moment il passe de vie à trépas.
– Vous pensez que c’est un fermier qui a fait le coup ?
– Pas forcément, c’est anecdotique. Faut vraiment avoir la haine pour tuer un fonctionnaire comme ça. On a constaté quoi d’autre ?
– Rien. Aucune empreinte. La bagnole ainsi que le matériel ont été aspergés d’acide. La scientifique penche pour du chlorhydrique facilement trouvable en grande surface. On a interrogé Rennes (le centre qui reçoit, par Internet, les clichés des radars de tout le pays), le gars n’avait rien transmis depuis une demi-heure avant qu’il ne déclenche l’appel de détresse. Autant dire qu’on n’aura rien sur les photos. Le disque dur a été particulièrement copieusement arrosé. Irrécupérable. Les collègues l’ont quand même emporté.
– On a retrouvé des trucs ? Le marteau ? Des traces de pas ?
– Rien… même pas l’œil ! Mais quand les premiers sont arrivés sur les lieux il y avait des renards qui essayaient d’attraper la victime. Mais ils ne sautaient pas assez haut. Pour l’œil ça leur était plus facile.
– Eh ben, ça promet. On peut le décrocher ?
– On attend votre feu vert. Le légiste voudrait bien l’embarquer.
 

Neuf heures, le commissaire fait les cent pas dans les douze mètres carrés de son burlingue. Ça limite. Il a peu dormi. Il n’a pas dormi en réalité. Dès qu’il fermait l’œil il voyait celui qui manquait à son collègue accrobrancheur nocturne. Il attend les rapports de la scientifique et du légiste. Le jeune lieutenant est déjà arrivé aussi. Il est jeune, il fait un peu de zèle. Impec le gamin, rasé de près, changé et il sent bon. Pas le commissaire qui n’attend plus rien de la carrière. Le commissaire, il attend les rapports et les prochains coups tordus que lui réservera son job. Il n’attend pas longtemps car le légiste tape à la porte de son bureau :

– Ça a été vite fait et je me suis dit que vous deviez être impatient.
– En effet. Alors ?
– Les premières impressions sont confirmées.
– À savoir ?
– Votre collègue a été sorti de la voiture manu militari. Il devait somnoler et aura été surpris. C’est un peu routinier son boulot, et à cette heure… Enfin bref, on lui a collé un coup de… je penche pour un outil lourd, une clé à molette de plombier par exemple. La trace est plus nette que celle d’un marteau, mais tout aussi destructrice. Il devait être bien dans le coltard quand l’autre... J’écarte la possibilité d’une femme, il fallait être au moins très sportif. Quand l’autre, je disais, a fait passer sa corde sur la grosse branche et l’a suspendu par le pied. Il suffisait de tirer et votre gars se retrouvait, à un mètre cinquante du sol, la tête en bas. Il avait perdu connaissance car, au niveau de la cheville, les marques faites par la corde sont nettes. S’il s’était débattu elles auraient été bien plus importantes. La suite vous la savez : L’œil arraché. N’importe quel couteau pointu faisait l’affaire. Genre Opinel. L’hémorragie a été rapide. Le gars n’a pas trop dû se sentir mourir. Juste que ses rêves n’ont pas été jusqu’au bout. M’étonnerait que le mec qui a fait ça ait emporté l’œil. Sinon ça serait inquiétant, ça voudrait dire que c’est une sorte de fétichiste et qu’il va recommencer. Je pense que des prédateurs nocturnes, oiseaux ou renards, en ont fait leur dîner.
– En effet, rien de bien neuf.
– Je vous laisse le dossier, les photos et mon rapport détaillé. Mais je vous ai tout dit. Je vous ai juste passé l’analyse toxico qui n’a rien révélé d’autre qu’un taux d’alcoolémie très classique dans votre profession, voire même relativement modéré. Il avait mangé un kebab et des frites à peu près quatre heures avant le drame.

Le toubib se lève et repart vers d’autres aventures. Saint Antoine reprend ses cent pas - il avait pas fini – en attendant la suite. C’est le jeune lieutenant, un sportif le mec, infatigable, qui la lui apporte, la suite :
– Ça y est, on a le rapport de la scientifique. Y’z’auraient pu rester couchés, ceux-là.
– Montre voir ! (note de l’auteur : quelle expression pléonasmatique que ce « montre voir »)

C’est vite lu. Aucune trace autre que l’évidence. Pas d’ADN, si on retire celle de tous les flics de la brigade qui ont eu, un jour ou l’autre, à utiliser ce véhicule radar mobile. Pas d’empreintes probantes, hormis celles des mêmes flics. La corde n’a rien révélé. Une corde neuve manipulée avec des gants. Le gars a évité d’éternuer dessus. Pareil pour la bagnole et l’acide, bien du chlorhydrique, a tout détruit. Le matos est irrécupérable et le disque dur est moins facilement analysable qu’un mille-feuille qui serait passé sous un trente tonnes.

– On va aller loin avec ça. Et l’enquête ? Le voisinage, les témoins etc... ?
– Vous rigolez, commissaire ! Vous avez vu les lieux…et l’heure. Y avait pas un chat, pas de caméras de surveillance, pas de voisins, nada ! Le dernier « témoin » est le gus qui s’est fait flasher par notre collègue avant que celui-ci ne télétransmette l’image à Rennes. C'est-à-dire une demi-heure avant le drame. M’étonnerait qu’il nous apprenne grand-chose.

Que faire ? Le commissaire est un peu sec, complètement désorienté. Ses habitudes et réflexes ordinaires il peut aller les accrocher dans le platane. Il lui reste juste assez de corde pour le faire. Pas de témoin à interroger. À la rigueur faire le profil et l’entourage de la victime. Après tout, on peut être flic et n’en être pas moins homme, avoir des maîtresses, être cocu, être joueur ou mauvais payeur. Allez savoir avec tout ce qui se passe de nos jours. On ne peut plus être sûr de rien. Le lieutenant est toujours là.


– Tu me fais le profil de la victime. Le grand jeu : la famille, les habitudes, les fadettes, les collègues, l’ordi… tout, quoi !
– C’était un collègue…
– Et alors ? C’est pas une raison. Il a bien été assassiné, non ?
– Oui c’est vrai.
– De toute façon, y’a rien d’autre à faire.

Le lieutenant se tire, pas convaincu, mais chargé de mission. Aller fouiller dans le passé d’un collègue, il se demande si c’est bien déontologique. Mais c’est vrai que ça se fait pour les autres victimes. Et puis, il ne le connaissait que vaguement de vue ce type.

Deux jours ont passé. Toujours rien. L’enquête de proximité, côté du collègue-victime, n’a rien donné, elle non plus. Un mec transparent. Célibataire auquel on ne connaissait pas d’autres passions que la télé et les week-ends dans l’Yonne, chez sa famille, quand il en avait l’occasion. Facebookien forcené, c’était sa seule utilisation du net. Et alors, vraiment rien de notoire. Facebook, quoi ! Un compte bancaire limpide comme de l’eau bénite, un voisin idéal toujours prêt à rendre de petits services, une vie sexuelle aléatoire à laquelle participait une autre collègue, célibataire elle aussi. Ses seuls amis étaient ses collègues depuis qu’il avait rejoint la police des routes, il y a trois ans, à sa sortie de l’école. Pour la première fois de sa longue carrière le commissaire se trouvait en face d’un crime parfait pas déguisé. Parfait par l’absence totale d’indice. À part des aveux, des remords du coupable, il n’avait rien à espérer dans ce merdier.

La préfecture a eu tôt fait de réparer l’Opel afin qu’elle reprenne du service dans les meilleurs délais. Le budget de la nation en dépend. Par contre l’agent qui y était affecté, vous l’aurez compris, n’est pas vraiment réparable. En embaucher un autre serait contraire aux intérêts du même budget. Comme, dans ce métier, les merdes se cumulent plus volontiers que les réussites, c’est à Saint Antoine qu’échoit la mission de trouver dare-dare et provisoirement un remplaçant à l’agent suspendu (pour les raisons que vous connaissez et de la manière que vous savez). Il ne manquait plus que ça. Il le prend un peu pour une punition, mais ne peut pas prétendre avoir particulièrement brillé dans cette affaire. Il a pris sa décision : puisque c’est provisoire, il va y coller son lieutenant. Ça lui rabattra un peu son caquet à ce bleu. Ah ben tiens, justement, le voilà qui se ramène avec son air de cowboy branché !

– Lieutenant, vous tombez bien !
– Bonjour monsieur le commissaire. En quoi puis-je vous aider ?
– C’est un service que je vais vous demander. Une expérience aussi, vous verrez. Mais je tiens à préciser d’emblée que c’est provisoire.
– Si c’est précisé ainsi, ça ne doit pas être très jouissif. Je vous écoute.
– On m’a demandé un homme pour remplacer, provisoirement je tiens encore à le préciser, l’agent de l’Opel au radar.
– Ah ben, en effet, je rêvais d’autre chose ! Vous n’avez personne d’autre ?

Non, il n’a personne d’autre. C’est la seule tête à claques du service. Mais le commissaire n’a pas que ça à faire :
– Écoutez, mon petit Ignacio, vous permettez que je vous appelle par votre prénom ? C’est un ordre et point barre !

Fin.

Version peu édulcorée de l’arroseur arrosé

mercredi 21 septembre 2016

Nils Barrellon - sous le feu des questions



LES QUESTIONS DU BOSS

N'y a-t-il que du plaisir, dans l'écriture, ou t'est-il déjà arrivé de ressentir une certaine forme de douleur, de souffrance, dans cet exercice ?

  • Non. Ah si ! Une fois, je me suis fait tomber le capot de mon imprimante sur l’index droit en tenant de changer la cartouche d’encre. Bobo.


Qu'est-ce qui te pousse à écrire, finalement ?

  • J’aime ça et, plus que tout, j’aime être lu. J’aime qu’on vienne me trouver pour me dire qu’on a passé un bon moment en ma compagnie, qu’on attend impatiemment le prochain Kuhn, que j’écris bien, que j’ai du style… D’autre part, je le constate, plus on écrit, mieux on écrit. Je me suis vu progresser et c’est agréable. J’aime de plus en plus jouer avec les mots, avec les structures de phrases, avec la ponctuation.


Comme on le constate aujourd'hui, tout le monde écrit ou veut s'y mettre. Sportifs, stars du show biz, présentateurs télé, journalistes, politiques, l'épicier, ta voisine... de plus, des sites proposant des services d'auto-édition pullulent sur le net. Ça t'inspire quoi ?

  • Tu n’ignores pas que les sportifs, les stars du show-biz, les présentateurs télé et les politiques n’écrivent pas leur livre. Donc je biffe. Pour les autres, mon épicier, mon dentiste et la chien de la bouchère, je le comprends. Beaucoup (je le pense sans savoir si c’est vrai mais puisque tu demandes, je te réponds) souhaitent écrire comme ils font un selfie. Se raconter, se faire mousser, faire le buzz. Rédiger un super long statut Facebook en somme. Si c’est leur droit le plus fondamental, je ne pense pas qu’on puisse classer leur(s) œuvre(s) dans la littérature (quoique, certains y sont parvenus avec brio : Proust aurait adoré Facebook… Tu imagines ses statuts ? « Manger une madeleine en regardant l’horloge. Fait. » ) Enfin, pour tous les autres, ceux qui veulent juste raconter une histoire, il me semble alors légitime qu’ils désirent la faire lire. Si cela doit se faire par le biais de plateforme internet ou d’autoédition, pourquoi pas ? Pour ne rien te cacher, j’ai déposé mon premier « Kuhn » sur un tel site, où il figure toujours. Et il est lu !


Le numérique, le support d'internet, les liseuses, les ebook, les réseaux sociaux, sont une révolution pour les auteurs et bousculent également le monde de l'édition. Que penses-tu de ce changement ?

  • Du bien et du mal. Bien parce nous sommes plus nombreux à pouvoir accéder à un auditoire (un lectorat plutôt ?). Mal parce que la qualité d’une œuvre dépend maintenant de critères pourrav’ comme le marketing, la visibilité, le buzz… Le nombre de bouquins médiocres qui cartonnent me désespère.


Il semble que de plus en plus, les auteurs prennent en charge leur communication, font leur publicité, créent leurs propres réseaux, prolongeant ainsi le travail de l'éditeur de façon significative.Te sers tu toi aussi de ce moyen pour communiquer sur ton travail, annoncer ton actualité, discuter avec tes lecteurs ou d'autres auteurs et ainsi, faire vivre tes livres plus longtemps ?

  • Oh oui ! Et, franchement, je m’en passerais bien. Je n’aime pas traîner sur Facebook et j’y suis pourtant toute la journée. A ce propos, j’embauche toute personne dynamique et volontaire pour tenir mon fil d’actualité ! Avis aux amateurs – amatrices- : salaire de 14 euros / mois. Augmentation significative de 100% après 10 ans de bons et loyaux service. Dépêchez-vous, il n’y a qu’une place !


On dit qu'en 25 ans, le nombre de livres publiés a été multiplié par deux, leur tirage ayant baissé de moitié pendant cette même période. Comment sortir le bout de sa plume de cette masse de publications ? Être visible ? N'est-ce pas décourageant pour les jeunes auteurs ? Que leur dirais-tu ?

  • Si, cela peut sembler décourageant, j’en conviens. Il faut comprendre et admettre le paramètre clé de l’édition : le temps. Il convient donc d’écrire, d’écrire encore. Les lecteurs se conquièrent sur la durée. Bouquin après bouquin, leur nombre augmente, je le constate. Perso, j’ai une nette tendance à l’impatience, alors, si je l’ai compris, j’ai du mal à l’admettre… Quitte à me précipiter ? L’avenir le dira…


 Les relations entre un éditeur, ou un directeur de collection, et un auteur, pourraient faire l'objet d'une psychanalyse, me disait un écrivain, récemment. Qu'en penses-tu ? Comment analyserais-tu cette relation que tu entretiens avec eux.

  • J’entretiens actuellement une excellente correspondance avec mes deux nouveaux éditeurs, David Lecomte chez Fleur Sauvage et Jimmy Gallier chez Jigal. Il est vrai que nos aventures débutent… On en reparle dans quelques mois ? J’espère que tout cœur que mon ressenti sera le même ;-)


 J'ai pensé longtemps, et ma bibliothèque s'en ressentait, que le noir, le polar, était une affaire de mecs. Les coups durs, la débine et la débauche, les gangsters, la baston, les armes, les crimes et la violence en général… une histoire de bonshommes. Aujourd'hui, les femmes sont de plus en plus présentes dans l'univers du polar. Grâce au Trophée, j'ai pu me rendre compte qu'il y avait de nombreux auteurs femmes dans ce genre. Ce n'était pas le cas il y a quelques décennies.
Quelles réflexions cela t'inspire-t-il ? À quoi cela est il dû, selon toi ? En lis-tu et, si oui, Lesquelles ?

  • Eh bien, puisque tu veux mon analyse de comptoir la voici : il me semble que la grande majorité des consommatrices de littérature noire sont des femmes (c’est ce que je constate tout du moins de salon en salon). Du statut de lectrice à celui d’auteure, il n’y a qu’un pas… Donc, CQFD ! J’ai lu Mayeras, Colette… C’est bon, très bon même.

Pourquoi as-tu accepté de participer à ce Trophée ?

  • Pour qu’on parle de moi, que les filles soient nues, qu’elles se jettent sur moi, qu’elles m’admirent, qu’elles me tuent, qu’elles s’arrachent ma vertu… Et puis, j’ai envie d’aller aux pontons flingueurs ;-)


LES QUESTIONS DE MME LOULOUTE.

Vie professionnelle, vie de famille, salons et dédicaces, à l'écriture reste-t-il une place ?

  • Yes. Merci à Sarah-Lucie, mon épouse, cette sainte femme, qui me dégage du temps parce qu’elle croit en moi.


A-t-on encore les idées claires, quand tous nos héros broient du noir ?

  • Quand on est, comme moi, une lumière, pas de problème ;-)


La rentrée littéraire approche. Un livre, ça va, 560, où est-ce qu'on va ?

  • Dans le mur. Objet marketing sans intérêt. Un jour, le public boudera cette connerie de non-événement.


Le dicton du jour : À la saint Grégoire, sort un livre de ton placard. Je t'écoute.

  • Je n’hésite pas : Crime et châtiment de l’immense Fiodor.


Boire ou écrire, faut-il choisir ?

  • Non. Mais pas en même temps. Et pas dans n’importe quel sens. On peut écrire puis boire. Pas l’inverse. (Bukowski a vaguement réussi toutefois)


La littérature est le sel de la vie. Passe moi le poivre.

  • Le cul, qui en serait plutôt le piment.


Lire aide à vivre. Et écrire ?

  • A faire lire.


Une anecdote à nous narrer, sur un salon, lors d'une dédicace, d'une table ronde, un événement touchant, drôle, étrange… ?

  • Je reçois le prix Goncourt en 2006. Malheureusement, le soir de la remise du prix, j’ai une rage de dents atroce qui me cloue au lit. J’envoie un ami, Jonathan Littell, pour me représenter et ce coquin (j’ignore comment il s’y est pris ! ) fourgue son bouquin à la place du mien ;-) Quel chenapan ! On en rigole encore quand nous prenons un verre ensemble.



Nous te remercions d'avoir répondu à nos questions et d'être présent(e) avec nous, pour cette troisième édition du Trophée Anonym'us.